Non à la criminalisation des squatters ! Stop aux amalgames !


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COMMUNIQUE

Paris le 29 mai 2015

Affaire du squat de Rennes :

Non à la criminalisation des squatters !

Stop aux amalgames !

 

A la suite d’une campagne de presse alimentée par l’ultra-droite identitaire, le FN et la droite la plus conservatrice, sur l’affaire du squat de Rennes, une proposition de loi (PPL) répressive a été déposée par des députés UMP pour criminaliser et  permettre l’expulsion expéditive des « occupants sans droit ni titre » (sur décision préfectorale sans passer par le juge).

Les occupants sans  droit ni titre, donc y compris les locataires qui sont l’objet d’un jugement d’expulsion,  seraient passibles d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende, selon cette PPL.

Cette proposition de loi doit être examinée à l’assemblée par une commission parlementaire présidée par le député UMP Daubresse, le 3 juin prochain et débattue le 11 juin (à la faveur d’une autre proposition de loi sur le squat qui avait été débattue au Sénat en novembre).

Le contexte :

Rappelons  que le nombre de sans abri n’a cessé d’augmenter (140 000 actuellement selon l’INSEE), tout comme le nombre de jugements d’expulsions (126 000 en 2013). On assiste également à une hausse historique et constante du nombre de logements vacants : 2 460 000 selon l’INSEE.

C’est donc dans ce contexte d’aggravation de la crise du logement, et d’inapplication de la loi de réquisition, de violation des obligations légales du droit au logement et du droit à l’hébergement, que la droite parlementaire s’apprête à relayer une revendication des groupuscules fascistes.

 L’affaire de Rennes :

L’affaire de Rennes qui justifie ce soudain activisme est troublante, car elle repose sur de nombreuses contre-vérités, d’omission et d’arguties juridiques, avancées par l’avocat de la plaignante, et par la milice d’extrême droite, relayées dans  la presse locale puis la presse nationale dès le début de cette affaire :

–           cette maison était vide de tout meuble et laissée à l’abandon depuis 12 ans, en centre-ville : pourquoi cette propriétaire n’a t’elle pas loué ce bien dont elle était usufruitière ? (7 héritiers se partagent ce bien en indivision)

–           Le bien, selon le relevé cadastral de propriété, est classé en catégorie 7, très dégradée, c’est-à-dire juste avant la ruine qui est la 8e catégorie.

–  Après 10 ans de vacance, des jeunes en situation de précarité, confrontés aux loyers chers et par ailleurs militants antifascistes s’installent dans cette maison délabrée. Ils la retapent un minimum pour éviter qu’elle ne tombe en ruine.

–  Cette propriétaire, malgré les relances de la préfecture et de la mairie de Rennes ne réagit pas à cette occupation et n’entame aucune démarche juridique d’expulsion ou de négociation avec les jeunes.

–   Deux ans plus tard, cette dame, par son avocat, réclame au préfet l’expulsion immédiate des occupants. L’avocat demande au préfet d’appliquer l’article 38 de la loi DALO, qui met en place une procédure d’expulsion en 2 ou 3 jours, sans jugement, par le Préfet, dans les cas de « d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui ». Il s’agit donc d’une disposition qui protège contre le « vol de domicile » qui devient pourtant bizarrement la cible des ténors anti squats …  Le Préfet ne peut satisfaire à cette requête puisqu’il ne s’agit pas du domicile de cette dame : elle n’y habite plus depuis 12 ans.

–  Il faut donc saisir le juge d’instance en référé, procédure d’urgence, qui seul peut prononcer l’expulsion des occupants. Peu importe, l’extrême droite locale est prête à en découdre et tente d’expulser les occupants à coup de barre de fer début mai, lançant dans la foulée une campagne antisquat. Aucune poursuite n’est engagée contre eux, qui selon les habitants, ont été ensuite tabasser un pauvre sans abri de Rennes sans défense pour se défouler.

–  Aujourd’hui le tribunal d’instance a prononcé l’expulsion sans délai des occupants. Cette dame et son avocat, très impatients, et après 12 ans de désintérêt,  ont du attendre moins d’un mois malgré les ponts pour obtenir un jugement d’expulsion définitif  … était ce vraiment justifié ?

Que va faire désormais cette dame de cette maison, qu’elle ne peut vendre avant d’avoir l’accord des  autres héritiers, et qu’elle ne peut habiter compte tenu de l’état d’abandon dans lequel elle l’a laissé pendant 10 ans ?

Pas touche à la législation en vigueur !

Droit Au Logement estime que la législation actuelle est équilibrée, car :

– d’un coté le domicile d’autrui est protégé de toute occupation par une procédure d’expulsion de quelques jours et des poursuites pénales ;

– de l’autre, les biens immobiliers vacants, comme cette maison à Renne, peuvent être occupé par des sans logis, et donner lieu à une procédure d’expulsion si le titulaire du droit d’usage se manifeste, tout en laissant la possibilité au juge, suivant la nature du propriétaire et les circonstances de l’occupation, d’accorder des délais jusqu’au relogement des occupants.

Un toit c’est un droit !

 

DAL :

– attend que se dégonfle cette bulle médiatique irrationnelle, qui conduit des français à craindre « de se faire squatter leur propre logement pendant qu’ils sont partis en vacances » ;

– dénonce l’instrumentalisation de ce fait divers, par les milieux politiques les plus rétrogrades, au nom de la défense du droit de propriété, et à partir d’une interprétation douteuse et fallacieuse des faits et de la législation, par l’extrême droite .

– revendique « la réquisition par nécessité » de nombreux immeubles vides de grands propriétaires, comme l’a fait le DAL à de nombreuses reprises, avec le soutien de nombreuses personnalités, telles que l’Abbé Pïerre, Léon Schwartzenberg, Albert Jacquard, Josiane Balasko, Mgr Gaillot, ou avec d’autre mouvement tels des jeunes Jeudi noir notamment 24 rue de la Banque,  et demande le relogement des « squatters par nécessité »…

– appel à se mobilier contre cette poussée anti-squat, car il n’y a pas lieu de modifier la législation actuelle, sauf à vouloir mettre en prison ou laisser mourir dans la rue toujours plus de sans abris et de victimes de la crise du logement …

demande aux rédacteurs de projets de loi de circonstance anti-squat de retirer leurs propositions et dénonce en particulier celle du député Aubert qui vise non seulement les occupants de logements vides, mais aussi tous les locataires qui sont devenus « occupants sans droit ni titre », à la suite d’un jugement d’expulsion, et qui se maintiennent dans leur logement faute de relogement.  

Droit au logement : http://www.droitaulogement.org/

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PIÈCES JOINTES 

1 – Législation actuelle,

2 – PPL Aubert – UMP

 

1 – LÉGISLATION ACTUELLE

Article 38 de la loi DALO :

En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.

 Article 226-4 du Code Pénal :

L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

 Article 53 du code des procédures pénales :

Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.

A la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.

Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de huit jours.

2 – PPL Aubert – UMP 

(en noir le texte initial, en rouge les modifications présentée par Aubert)

 Article 38 de la loi DALO :

En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, ou d’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile est occupé de manière illicite et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire ou un huissier de justice.

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux tiers occupants sans droit ni titre, ainsi qu’au propriétaire ou à l’occupant légal du logement, et est publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet recourt à la force publique afin de procéder à l’évacuation forcée du logement. doit procéder à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.

Art. 38 bis de la loi DALO (nouveau)

Toute personne ayant fait l’objet d’une décision de justice la condamnant suite à une occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier,  ne peut se prévaloir des dispositions prévues par la présente loi.

Article 53 du code des procédures pénales :

Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.

A la suite de la constatation d’un crime ou d’un délit flagrant, l’enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.

Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l’enquête pour une durée maximale de huit jours.

Lorsqu’un propriétaire, un locataire ou un occupant à titre gratuit d’un immeuble, découvre que ledit immeuble est occupé sans droit ni titre par un tiers tel que mentionné à l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, le délai de quarante-huit heures permettant de constater le flagrant délit par un officier de police judiciaire court à partir du moment où le propriétaire, le locataire ou l’occupant à titre gratuit constate l’occupation sans droit ni titre par un tiers.

Article 226-4 du Code Pénal :

L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, ou l’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier appartenant à un tiers est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il incombe au tiers occupant sans droit ni titre de prouver sa bonne foi par la présentation d’un titre de propriété, d’un contrat de bail le liant au propriétaire de l’immeuble occupé, ou d’une convention d’occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien.

Article 5 (du présent projet de loi)

Lorsqu’un juge constate sur fondement de l’article 226-4 du code pénal une occupation sans droit ni titre par un tiers, le représentant de l’État dans le département où se situe l’immeuble occupé recourt sur demande du propriétaire dans les quarante-huit heures à la force publique afin de déloger les tiers occupants de mauvaise foi dudit immeuble.

À compter de la promulgation de la présente loi, toute occupation à titre gratuit d’un bien immobilier doit faire l’objet d’une convention signée entre le propriétaire et l’occupant.

Article 6  (du présent projet de loi)

Par cette convention, le tiers occupant à titre gratuit s’engage à entretenir comme il se doit l’immeuble occupé et le propriétaire à fournir un logement digne.

Sans préjudice de l’article 1382 du code civil, le tiers occupant à titre gratuit est responsable de l’entretien du bien qu’il occupe. Lorsqu’il souhaite quitter celui-ci, il prévient par courrier avec accusé de réception le propriétaire de son départ. Il dispose alors de trente jours à compter de la date d’envoi pour quitter l’immeuble.

Le propriétaire d’un immeuble occupé par un tiers à titre gratuit récupère la jouissance pleine et entière de son bien, après avoir prévenu l’occupant à titre gratuit par courrier avec accusé de réception. Le tiers occupant à titre gratuit dispose alors de trente jours à compter de la date d’envoi du courrier pour quitter l’immeuble. Passé ce délai, le propriétaire peut faire valoir ses droits au titre de l’article 1 de la présente loi et engager une procédure au titre de l’occupation sans droit ni titre de son bien.