Paris, le 8 décembre 2020
La loi ASAP a été publiée au JO Mardi 8 décembre.
L’article 74 qui triple les peines contre les squatters a été balayé par le Conseil Constitutionnel.
L’article 73 est maintenu intégralement – Analyse rapide :
Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 décembre avait censuré l’article 74 de la loi ASAP, qui triplait les peines des personnes occupant le domicile d’autrui, s’agissant d’un amendement cavalier, suite à sa saisine par les associations et syndicats.
Par contre, l’article 73 qui organise l’expulsion administrative en dehors de l’appréciation du juge et laisse la place à une interprétation floue et donc dangereuse, est maintenu.
Il permet l’expulsion sans jugement et sur décision du Préfet des personnes considérées sans droit ni titre, occupant “le domicile d’autrui, que ce soit ou non sa résidence principale“.
Sont visées les résidences secondaires, les “pied-à-terre” et autres logements habités de temps en temps pour des raisons professionnelles par exemple. Les logements de personnes vivant en EPAHD seraient concernés. Une interprétation plus large pourrait aboutir à sanctionner les occupants de logements vacants et inoccupés, ou se retourner contre des occupants sans titre de bonne foi, comme des personnes victimes d’un marchand de sommeil ou d’une escroquerie au bail.
De plus, il permet désormais à toute personne “agissant dans l’intérêt et pour le compte du propriétaire” de saisir le préfet pour lui demander d’actionner cette procédure d’expulsion expéditive et extrajudiciaire : des agents immobiliers, le ou la maire, des officines douteuses comme celle qui s’est fait de la pub pendant les affaires montées en épingle cet été, voire même des escrocs.
Le Préfet, lorsqu’il sera saisi, aura 48h pour délivrer à l’occupant une mise en demeure de quitter les lieux ou exposer les motifs de son refus au demandeur. L’occupant devra rendre les locaux dans les 24h ou être expulsé par la force, même en hiver. Ce délai de 48h imposé au préfet pour évaluer convenablement le sérieux de la demande d’expulsion administrative peut aboutir à des décisions précipitées prises à l’issue d’une enquête bâclée, que ne manqueront pas d’exploiter les officines spécialisées.
En résumé, l’occupation d’un logement vacant appartenant à une personne physique par des sans-logis, ou des personnes victimes d’escroquerie au bail pourrait déboucher sur une expulsion en 3 jours maximum, sans que le juge ne puisse apprécier les différents aspects de la situation. La circulaire du Ministère du logement annoncée par la Ministre Wargon et dans plusieurs années la jurisprudence du Conseil d’État devraient préciser les contours de cette mesure … sachant que les propriétaires et leur mandataire seront bien plus diligents pour saisir le juge et contester un refus du Préfet, que les occupants face une décision d’expulsion du Préfet.
Il parait nécessaire de mettre en place une veille juridique commune pour suivre l’application de la nouvelle version de l’article 38 de la loi DALO (issue de l’article 73 de la loi ASAP), lutter contre les abus, connaître ses dangers et obtenir son abrogation.
Droit Au Logement soutient l’occupation de biens vacants de grands propriétaires privés ou publics, considère que face au danger permanent et parfois mortel qui guette les personnes à la rue, occuper un logement ou un local vacant est légitime et relève de la plus élémentaire des protections, et désapprouve l’occupation de la résidence principale ou secondaire et régulière d’autrui.
C’est pourquoi l’association dénonce ces amendements rédigés sous la pression, qui renforcent le pouvoir administratif au dépend du judiciaire et qui ne suffiront même pas à calmer l’ardeur antisquat de certains parlementaires tels ceux de LR qui sans attendre ont déposé en novembre une nouvelle et cruelle proposition de loi.
Par contre, l’État viole constamment le droit à l’hébergement dont il est responsable selon la loi et refuse toujours d’appliquer la loi de réquisition dite “attribution d’office”.
La Ministre du Logement E. Wargon interrogée sur LCP le 3 décembre ne l’exclut pas mais estime que “c’est long, compliqué… c’est de la dentelle… il faut retrouver le propriétaire”… (voir émission LCP 02-12 à 35’30”)
Pourtant, après les violence de la place de la république contre les réfugiés sans-abri et l’arrivée du froid, les sans-logis en ont trouvé, même à Paris, et sans chercher beaucoup. De quoi loger ou héberger 1300 personnes dans des bâtiments vacants privés ou publics. Les propriétaires sont même identifiés…
Les sans-logis iront donc déposer avec leurs associations et collectifs, leurs demandes de réquisition vendredi 11 décembre à partir de 15h à la préfecture de Paris et région Ile de France, rue Leblanc – Métro Balard, ou RER C et tramway Garigliano (voir communiqué commun ici).