L’audience devant le tribunal civil de Paris s’est tenue ce matin lundi 8 juin, en présence des 33 familles et célibataires sans logis installés depuis le 1er janvier, 18 rue du Croissant à proximité de la bourse.
Cet immeuble avait abrité notamment le journal Combat et depuis la fin des années 90 jusqu’en septembre 2019, le commissariat central du 2e arrondissement.
Le propriétaire, la SCPI UFI France, dont le gérant Primonial Reim est un des principaux gestionnaires d’actifs immobiliers en Europe, avait assigné les occupants et le DAL en référé d’heure à heure le 13 février comptant ensuite sur la préfecture de police pour expulser au plus vite.
Cette assignation en urgence faisait suite à l’échec de la préfecture de police arguant, devant le tribunal administratif de Paris, en référé, que le 18 rue du Croissant était encore un local affecté à une mission de service public, autrement dit à un commissariat en activité. La ficelle était un peu grosse et le TA s’était alors jugé incompétent.
Le 13 février, le tribunal civil reportait l’affaire au 17 mars faute de réponse aux demandes d’aide juridictionnelle déposées en bonne et due forme au bureau d’aide juridictionnelle.
Le 17 mars, commence le confinement de la population, dont la mise à l’arrêt des tribunaux, décrété la veille par le chef de l’Etat. L’affaire est reportée sine die. Les avocats d’UFI France, de CitizenM et de la préfecture de police jouent des coudes et obtiennent une nouvelle date d’audience au 19 mai, sans même attendre la fin de l’état d’urgence sanitaire, qui court alors jusqu’au 24 mai.
C’est le grand jour, le propriétaire, l’hôtelier de luxe (CitizenM) et la préfecture de police, tous ligués pour l’occasion pour obtenir l’expulsion des sans logis, alignent 7 avocats, les occupants sont défendus par maitre Ludivine Lubaki et le DAL se défendra seul. Les plaidoiries doivent commencer, soudain le magistrat constate que 22 demandes d’aides juridictionnelles sont restées sans réponse : l’affaire est donc renvoyée au 8 juin, la salle du tribunal se vide à nouveau.
Le 8 juin, Pierre Richard et Sanseverino sont venus en renfort. Le contexte semble avoir changé. Il se dit que Citizen M a jeté l’éponge, qu’UFI France cherche à vendre l’immeuble, et pourtant leurs avocats plaident : UFI France a signé un bail de 50 ans avec CitizenM qui détient un permis de construire pour démolir et reconstruire arrivant à terme fin octobre ; les travaux doivent commencer avant cette date. Tout en demandant à être mise hors de cause, la préfecture de police qui est restée deux ans de trop rue du Croissant demande aussi l’expulsion des occupants.
On notera qu’UFI France a durci ses prétentions et demande 50 euros par jour d’occupation à chaque ménage depuis le 3 janvier, faisant grâce des 2 premiers jours de l’année, ce qui représente, jusqu’au 30 juin, la somme de 297 000 euros …
Me Ludivine Lubaki et Matteo Bonaglia avocats des familles et du DAL relèvent que :
– Les occupants sont sans logis, demandeurs de logement social, prioritaires DALO ou DAHO, et plutôt que d’être expulsés, devraient être relogés ;
– UFI France ne produit pas la preuve d’un mandat légal et fiable de ses instances autorisant à lancer des poursuites contre les occupants ;
– UFI France en signant le BEFA (bail en état futur d’achèvement) en février 2020 a cédé ses privilèges de propriétaire à Citizen M et donc ne peut agir contre les occupants ;
– Citizen M ne démontre pas que le permis de construire a bien été renouvelé par tacite reconduction, alors que la ville de Paris en juillet 2016 avait lors d’une modification du PLU réservé cette parcelle pour un CINASPIC (construction et installation nécessaire aux services publics, ou d’intérêt collectif), rendant très improbable la reconduction du permis de construire.
Il y a donc lieu que les demandes d’UFI France soient tout simplement rejetées.
Toujours dans l’attente de leur relogement en logement social, les occupants sont installés provisoirement et correctement dans les lieux, ont passé sans encombre le confinement tout en respectant les geste de distanciation physique, dans de bien meilleures conditions que dans un hôtel, un foyer, chez des tiers en surpeuplement ou à la rue.
Il reste donc à appliquer le vœux adopté par le conseil de Paris du 3-4 février 2020, à savoir que :
– « la Ville de Paris, l’Etat et le propriétaire agissent conjointement pour mettre en oeuvre un relogement digne et décent des ménages actuellement installés dans l’immeuble
– la Ville de Paris préempte le bâtiment 18 rue du Croissant ou demande à l’Etat sa réquisition.
Pas d’expulsion, relogement !
Un toit c’est un droit !
=> Pour soutenir la lutte des habitants du 18 rue du Croissant: compilation musicale “DAL de vivre” 47 musiciens se sont réunis pendant le confinement au sein du collectif Quarantine Sonic Squad (QSS) pour réaliser ce bel objet musical et militant. Engagés, ils reversent l’intégralité des bénéfices à la lutte des habitants du 18 rue du Croissant . L’ ensemble des morceaux est en téléchargement à prix doux ici Bonne écoute !