DAL Toulouse 31 – COMMUNIQUÉ DE PRESSE
ARRÊTÉ ANTI-BIVOUAC
Depuis sa mise en place en septembre dernier, l’arrêté anti-bivouac de Mr. Moudenc a fait disparaître la plupart des tentes du centre ville. De nombreuses interventions des services de mairie et des Forces de l’Ordre nous ont été signalées. Face à la violence de ces interventions, les familles qui sont contraintes de vivre à la rue sont de surcroît contraintes de se cacher avec leur tente loin du centre ville, dans des endroits moins accessibles et moins protégés. Une violence supplémentaire que des associations et des citoyen-ne-s dénoncent dans une pétition afin que cet arrêté honteux soit retiré.
La semaine dernière, le DAL31 a reçu un témoignage poignant d’Alain Chartier, engagé depuis de nombreuses années dans le tissu associatif toulousain. Son récit intitulé “choses vues”, que nous avons partagé sur facebook a eu un écho retentissant. Le voici, en intégralité:
“CHOSES VUES
In memoriam Victor Hugo
Mardi 19 novembre 2019, j’arrive à Compans Caffarelli rejoindre une famille albanaise qui dort sous une tente.
En arrivant, je constate que la police, accompagnée d’une huissière de justice, est en train d’évacuer le campement (toile de tente, palette…) de cette famille de cinq personnes, trois enfants dont une petite fille de trois ans…
C’est l’arrêté anti-bivouac de M. Le Maire de Toulouse qui est mis en application.
Et avec beaucoup d’application : huit officiers de police plus une huissière…Ils ont fait le tour du boulevard suivi d’un camion Toulouse Métropole pour mettre le grappin sur ces migrants.
Ce n’est pas une figure de style, chaque campement est certes libéré de ses effets, mais aussi enlevé par une grue grappin et déposé dans un camion benne Toulouse métropole. Et tout y passe : tente, palette…
Les voici en pleine action sur un autre campement sur le boulevard :
(Nota Bene : toutes les photos ont été prises de loin avec surtout le souci de ne montrer le visage de quiconque et en premier lieu d’un membre des forces de l’ordre… le droit à l’image vaut pour tous. )
Et la moisson fut bonne comme montré sur cette photo :
Dur donc, M. Moudenc,
Dur de nous faire croire que cet arrêté anti-bivouac a été pris pour mettre l’Etat en face de ses responsabilités quant à l’accueil et la prise en charge des migrants. Et, par là même, en sous-entendant un face-à-face entre vous et la Préfecture. Comment croire cela alors que les expulsions des campements sont réalisées de concert avec les services de l’Etat : la Police Nationale et Toulouse Métropole (et il ne peut guère en être autrement, vous l’avez reconnu vous-même) et que pour mobiliser tout ce beau monde il a bien fallu, avant, des réunions de concertation.
Difficile aussi, M. le Préfet, de prétendre que ces évacuations sont effectuées avec humanité.
Voilà le lendemain matin mercredi ce que postait sur les réseaux sociaux un voisin d’un campement. Contactée, la personne a souhaité rester anonyme :
« Hello Toulouse,
Je lance un « appel » à l’aide pour une famille de réfugiés qui vivent devant les impôts de Compans Caffarelli ! J’ai remarqué hier soir qu’ils n’avaient plus leur tente habituelle ou ils dorment avec leur bébé et un autre enfant en très pas âge. Et en passant ce matin j’ai vu qu’ils étaient tous allongés sur des palettes en bois avec quelques couvertures.. C’est une famille très gentil et c’est épouvantable de les voir dans ces conditions… je ne sais pas pourquoi ils n’ont plus leur tente mais ça m’a fait mal au coeur
Je n’ai pas les moyens de leur payer une nouvelle, mais si quelqu’un parmi vous aurait au moins une tente dont il ne se sert plus et qui pourrait aller leur donner ce serait vraiment cool. Je ne trouve pas ça normal en 2019 de voir des bébés dormir dans la rue sans protection au dessus de leur tête…
Merci à vous bonne journée »
Humanité, quand tu nous tiens ! Humanité qui consiste à faire dormir des enfants en bas âge dans la rue sans protection minimale… Ce matin-là, quand je me suis levé, mon portable affichait une température de -1°C pour Toulouse.
Mais revenons à cette famille de cinq personnes que je venais rejoindre près du parc de Compans Caffarelli.
C’est une famille qui avait décidé quelques jours plus tôt de retourner dans son pays. Je l’avais accompagnée dans cette démarche en allant avec elle à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) pour constituer leur dossier d’aide au retour. Ce dossier a été, en deux rendez-vous, totalement finalisé.
Cette famille dormait à la rue depuis trop longtemps déjà (trois enfants dont une petite fille de trois ans) et c’est à sa demande que le vendredi 15 novembre 2019, par courriel, je formulais une demande d’hébergement au Directeur de Cabinet de la Préfecture ainsi qu’au Secrétaire Général. Une réponse me parvint très vite en précisant qu’ils étudiaient le dossier de cette famille…Je reformulais la demande le lundi 18 Novembre et une heure plus tard, l’OFII m’appelait pour me dire qu’un logement était disponible pour les accueillir le mercredi 20 novembre à partir de midi. Je dois dire que les personnes de la Préfecture avec lesquelles je me suis entretenu alors étaient très soucieuses de la situation de cette famille et ont tout fait pour trouver le plus rapidement possible une solution de logement…le temps de leur départ.
C’était pour leur annoncer cette nouvelle que je venais leur rendre visite à leur campement de fortune.
Quelle surprise : ils en étaient à vider l’intérieur de leur tente sous l’injonction de la police quand je me suis interposé. Le « dialogue » fut chaud avec la responsable des forces de l’ordre qui pilotait l’opération. J’ai essayé de lui expliquer l’absurdité d’une situation qui consiste à expulser manu militari des personnes qui vont être hébergées le lendemain par ceux-là même qui ont décidé de cette expulsion.
Ou quand l’ignoble le dispute à la stupidité.
Mais rien n’y a fait : si, j’ai sauvé la tente en disant qu’elle m’appartenait ! Là, ils n’ont pas osé ! Je me demande même si la « prise de tente » est légale. Le camion de Toulouse-métropole était rempli de toiles de tente…
Je décidais de téléphoner à la Préfecture : la personne que j’ai eu a parfaitement compris l’absurdité de la situation et, avec son accord, je proposais à la responsable des forces de l’ordre de lui parler au téléphone. Excédée, refus de celle-ci : « je la verrai demain à la préfecture »
Elle est là, aussi, la violence. Dans ce refus de communiquer, de prendre acte que les données d’une situation ont changé et d’en tenir compte.
Je demandais immédiatement à la Préfecture que cette famille ne dorme pas à la rue le soir même. Ce qui fut possible.
Un goût amer : la famille d’en face, près des impôts, n’a pas eu cette chance.
Doit-on accepter que les mêmes situations se répètent indéfiniment au nom d’un arrêté censé les légitimer ? la famille que j’accompagnais a, elle aussi, vécu cette détresse quelques semaines plus tôt lors d’une intervention des forces de l’ordre et s’était retrouvée obligée de dormir sur des palettes en bordure de la ville … Chaque matin, les deux enfants scolarisés allaient à l’école …et quand ils n’y allaient pas, c’est que leur maman n’avait pu les préparer correctement …
Ce soir, pour me détendre, je vais aller au cinéma.
Voir les Misérables.
Alain CHARTIER
Ps : Les Services de la Préfecture ont mes coordonnées. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, réagir. “
Le 30 novembre dernier, le porte parole national de la fédération DAL, Jean-Baptiste Eyraud donnait, à Toulouse, une conférence sur les responsabilités et politiques des maires en matière de logement. L’occasion de dresser un bilan des politiques actuelles et de réaliser un programme de mesures concrètes que pourrait appliquer le ou la prochaine maire de Toulouse.
Signez la pétition contre l’arrêté anti-bivouac: ICI
UN TOIT C’EST UN DROIT – DAL 31 |