Elections municipales : pour une politique locale respectueuse du droit au logement et des habitants
Les élections municipales se déroulent les 15 et 22 mars 2020 une semaine avant le 28 mars 2020, journée de manifestations dans toute l’Europe, contre le logement cher, les expulsions, la spéculation, à l’initiative de la « Coalition européenne d’actions pour le droit au logement et à la ville », qui réunit des mouvements de défense et de lutte du logement dans 21 pays européens, proche du 31 mars, fin de la trêve hivernale des expulsions en France .
La crise du logement sévit dans la plupart des grandes agglos de notre pays et s’étend désormais à de nombreuses communes moyennes et rurales. Le nombre de sans abris augmente sans cesse, comme le nombre d’expulsions, le niveau des loyers, la précarité du logement, le saturnisme infantile, le nombre d’habitants affectés par les nuisibles, le mal logement …
Le rôle du maire dans les politiques du logement est prépondérant puisqu’il détient les pouvoirs en matière d’urbanisme et de logement : PLU et PLH, permis de construire, droit de préemption, services de l’hygiène, périls … Il détient aussi de larges pouvoirs de police.
Il décide des opérations ANRU ou de réhabilitation des quartiers, de la réalisation ou non de HLM, des investissements urbains, de politiques sociales. Il peut mener des politiques anti SDF, chasser les gens du voyage, les habitants de logements précaires …
Le maire peut modifier le niveau social de ses habitants, maintenir l’entre-soi (entre riches de préférence). Ces leviers sont particulièrement efficaces dans les zones tendues, métropoles et communes touristiques, où sévit la spéculation, qui conduit au remplacement des « locaux » par des habitants plus riches. Le choix de produire du logement social, ou de privilégier la production neuve de logements de rapport, dépend du maire.
Il faut aussi rappeler que les politiques d’urbanisme bénéficient en premier lieu à des intérêts privés grâce à la hausse des prix engendrée par l’investissement public. Il s’agit donc d’un transfert de richesse vers le privé, où investisseurs et milieux immobiliers … « s’enrichissent en dormant » et massivement. La politique des taux bas de la BCE, encourage aussi la spéculation et la flambée.
Loin de chercher à les neutraliser de nombreuses communes les encouragent ; profitant de la manne issue de la hausse des prix et des transactions, elles engagent alors une baisse des impôts locaux, rendue possible dans la durée par le remplacement des classes populaires par des classes aisées.
Plus les communes logent des riches, plus les impôts locaux sont faibles. Ainsi, Neuilly-sur-Seine est une des communes de France où les impôts locaux sont les moins élevés : les riches, n’ont pas besoin des aides, équipements et services municipaux indispensables aux communes populaires, puisque les écoles et clubs sportifs sont souvent privés, l’aide sociale est inexistante, la résidence secondaire à Deauville remplace les colonies de vacances…
Les politiques d’urbanisme, espaces verts, transports en commun, ville durable, embellissement, sans politique fiscale … produisent du logement cher et de la crise du logement : hausse des prix fonciers et immobiliers, des taux d’effort des locataires, du mal logement, des expulsions, du sans-abrisme et de la gentrification .… Depuis 30 ans, les gouvernements n’ont pas pris les mesures de corrections nécessaires pour restituer le fruit des opérations d’urbanisme et d’aménagement urbains, bien au contraire, puisque les instructions depuis 25 ans sont de baisser les impôts sur les plus-values et transactions immobilières et de surcroît, supprimer le financement du logement social, vendre le patrimoine public au plus offrant, laisser les prix du logement et des loyers s’envoler …
Ces politiques d’urbanisme néo libérales conduisent inexorablement au renforcement des inégalités territoriales, des discriminations socio urbaines, de la centrifugeuse sociale qui chasse les moins « munis » à la périphérie des centres économiques générateurs d’accumulation des richesses pour les nantis et de dépossession pour les autres.
Ce n’est pourtant pas inéluctable et des actions correctrices publiques sont possibles : rééquilibrage fiscal, captation des plus-values, baisse des loyers, et si nécessaire maîtrise et reconquête du foncier et de l’immobilier urbain public. Si l’État est en situation de corriger les inégalités de logement, le maire a aussi de nombreux moyens d’agir.
La politique du logement et d’urbanisme d’un maire se juge à l’aune de son impact social : il ne manque jamais, dans les métropoles et les agglomérations tendues, de logements pour les classes aisées. Il en manque de plus en plus pour les classes populaires.
Nombreuses sont les villes ouvrières conquises par les tenants d’une épuration sociale active, qui connaissent, ou ont connu, grâce à des politiques d’urbanisme agressives une transformation sociologique profonde, dans les zones tendues, et à la faveur de contextes spéculatifs impactant les centres, mais aussi les banlieues populaires.
Moins expéditives, à des fins inavouées et beaucoup plus répandues, sont les politiques d’urbanisme classiques : renouvellement urbain (destruction de logements sociaux), vente au privé de terrains publics, opérations de réhabilitation des centres anciens, à l’occasion de grands évènements (JO par ex.), ou grands projets inutiles … Si les villes centre produisent parfois du logement social, elles soutiennent le tourisme de masse, l’attractivité économique, la concurrence entre les territoires et pratiquent le dumping fiscal.
Les populations impactées sont globalement les moins riches, connaissent l’emploi précaire, sous payé, Ubérisé, des situations familiales plus fragiles. Elles sont pour une part importante issues de l’immigration. Aux puissantes discriminations socio urbaines s’ajoutent des discriminations, inavouées mais tout aussi puissantes, au faciès ou visant les ménages pauvres, les étrangers, les Roms, les musulmans, les parents isolés …
L’attribution des logements sociaux reste sous tension, marquée encore récemment par des affaires de corruption, de fichiers ethniques et d’attributions clientélistes, accentuées par la crise du logement. Au plan institutionnel les maires qui ont la main sur les offices HLM et sur l’octroi des permis de construire, sont représentés dans les commissions d’attribution. Ils pèsent sans mal sur les bailleurs sociaux en matière de peuplement. Ceci explique pour partie les difficultés de mise en œuvre de la loi DALO, alors que le contingent municipal, selon la loi Egalité et Citoyenneté de 2017, devrait contribuer pour un quart de ses attributions annuelles au relogement des prioritaires DALO. On en est loin, la « Dalophobie » est bien ancrée dans certains territoires et certains services.
Quelques maires en France, par une politique active de préemption des terrains et immeubles privés, ont pu produire des logements sociaux en grand nombre, limiter la spéculation et stopper la centrifugeuse socio-urbaine. Mais la pression spéculative, soutenue aussi par la baisse des taux bas de la BCE et le développement des transports publics (TGV, tramway, Grand Paris, est plus puissante que jamais.
Pour répondre aux urgences et protéger ses administrés, le maire détient des pouvoirs de police, qu’il peut employer face à la mauvaise foi et à l’inaction du gouvernement, à ses politiques du logement désastreuses et à la violation des droits des personnes sans-abris, des prioritaires DALO et DAHO, des habitants de logements ou d’îlots insalubres, des habitants expulsés sans relogement…
Le maire peut agir aussi dans les domaines de l’environnement, du cadre de vie et des services publics, contre les passoires thermiques, pour la production d’énergies renouvelables, pour la municipalisation des services d’eau, …
C’est pourquoi la Fédération DAL, appelle les candidats et les futurs maires, y compris les communautés de communes, à prendre des mesures pour protéger leurs administrés, combattre la spéculation, le logement cher, principales causes de la crise du logement et des discriminations urbaines :
Propositions pour le respect du droit au logement et des habitants :
- Mesures d’urgence et respect des droits :
- Arrêtés municipaux anti-expulsion et anti coupure d’énergie
- Accès à une domiciliation, à l’aide sociale, à la scolarisation des enfants pour tout ménage sans abri, quelle que soit sa situation administrative
- Refuser le mobilier urbain anti SDF, les arrêtés anti bivouac, anti mendicité et autres mesures anti SDF, ainsi que des sanctions contre les habitants vivant sur des terrains non constructibles (notamment l’article 14 de la loi « Engagement et Proximité »)
- Arrêtés de réquisition des biens vacants de l’Etat, grandes entreprises ou grandes fortunes, afin de pallier le non respect du droit à l’hébergement par l’Etat (de préférence coordonné avec association ou collectif de défense des sans logis)
- Contre le logement cher, pour les locataires et les mal-logés[1]:
- Instaurer l’encadrement des loyers
- Faire respecter le gel des loyers à la relocation (par exemple en créant un répertoire des loyers et des logements)
- Instaurer la taxe sur les logements vacants
- Reloger les habitants de logements indignes ou toxiques (plomb, amiante …) : pour les logements insalubres saisir l’ARS, pour les périls prendre des arrêtés afin de protéger les locataires (loyer à zéro euro, relogement …)
- Protéger les habitants contre les violences des marchands de sommeil et cesser les pratiques des services de l’hygiène mettant les habitants en danger
- Respecter les règles de relogement des prioritaires DALO et des ménages modestes
- Lutter contre le clientélisme et les discriminations dans l’attribution des logements sociaux
- Mener une politique active de lutte contre les punaises de lits et autres insectes nocifs
- Un urbanisme contre la spéculation et pour de vrais logements sociaux[2] :
- Cesser la vente du patrimoine municipal et s’opposer à la vente de logements sociaux
- Contrer les projets spéculatifs par la préemption des terrains, des immeubles et par le contrôle des permis de construire
- Conserver la mise en œuvre des opérations d’urbanisme (déléguée de plus en plus aux promoteurs), prioriser la production de logements sociaux dans les zones tendues, respecter la loi SRU
- Produire des logements sociaux et très sociaux (hors PLS) de bonne qualité pour loger les demandeurs HLM, et pour ce faire écarter les promoteurs
- Un urbanisme pour maintenir les habitants, pas pour les chasser:
- Référendum auprès des habitants visés directement par les opérations ANRU et tout autre projet de démolition de logements ou opération d’urbanisme, avec charte de relogement proposant le même loyer au mètre carré, même quartier si souhaité …
- Priorité aux réhabilitations et arrêt des démolitions dans les quartiers populaires HLM ou ancien
- Application de la loi Vivien pour résorber les îlots insalubres, construction de logements sociaux et d’équipements publics sur les terrains libérés
- Abandon des grands projets inutiles et coûteux, qui alimentent la spéculation comme les JO, le Grand Paris spéculatif et autres « grands truc », entraînant hausse des prix, épuration sociale et dégradation de l’environnement
- Stopper le tourisme prédateur type Airbnb, et loger les saisonniers du tourisme, de l’agriculture, du BTP et les voyageurs :
- Dans les zones tendues, bloquer les locations touristiques Airbnb & Co par des profes-sionnels et plafonner à 2 mois la location d’une résidence principale par des particuliers
- Réaliser des logements sociaux pour les saisonniers, des aires de voyage et des terrains familiaux pour les voyageurs
- Lutter contre les nuisibles qui impactent les habitants (punaises, autres insectes, rongeurs …)
- Agir sur les passoires thermiques, pour les Services publics et la santé des habitants :
- Produire des réhabilitations thermiques et phoniques d’ampleur et des logements de basse consommation
- Communaliser la gestion de l’eau et développer un parc de production d’énergie douce
- Bloquer les compteurs Linky, limiter la puissance des antennes relais à 6vm et lutter contre la pollution de l’air, de l’eau, sonore
Ces mesures doivent être renforcées par des mesures législatives et le respect par l’Etat des lois existantes :
- Taxer les plus-values immobilières et foncières, en particulier celles résultant des politiques publiques d’urbanisme ;
- Baisse des loyers, notamment la suppression de la majoration de 20% du loyer médian et des hausses jusqu’au loyer minoré, et généralisation de l’encadrement aux agglomérations tendues ;
- Création d’un répertoire des logements loués (loyer, statut, état général,…) ;
- Réquisition par le Préfet des logements vacants de grands propriétaires ;
- Rétablissement des financements publics pour la production de logements sociaux et leur réhabilitation thermique (aides à la pierre) ;
- APL : suppression de la RLS, rétablissement des 5 euros et des pertes issues des gels successifs, revalorisation générale du forfait charge ;
- Droits des résidents de foyers étudiants, de migrants et de résidences sociales alignés sur ceux des locataires HLM : protection du domicile, normes de décence, encadrement des loyers, maintien dans les lieux …
- Renforcement du rééquilibrage financier entre les communes bourgeoises et les communes populaires (péréquation fiscale), et renforcement de la loi SRU …
Paris le 15 décembre 2019
[1] Le DAL ne défend pas le permis de louer, car dans le contexte actuel il a pour effet, sinon pour objectif, d’évincer les victimes des marchands de sommeil, renforçant ainsi le sans abrisme et l’habitat de fortune.
[2] Le « démembrement » de la propriété privée ne réduit pas la spéculation foncière et immobilièr, bien au contraire, et jette dans l’endettement les candidats à l’accession.
Doc en PDF: DAL et Municipales 2020 final