Jean Thévenot nous a quittés dimanche matin, des suites d’une affection respiratoire, à l’âge de 95 ans, à l’hôpital Croix St Simon, Paris 20e.
Cofondateur du DAL en octobre 1990 après la lutte des expulsé.es place de la Réunion, il a organisé les permanences, le secrétariat et la vie interne du DAL, depuis sa création.
Dans l’ombre, et avec son regard pétillant, il a mis en place la face immergée du DAL, celle que l’on ne voit pas à la télé.
Malgré des difficultés pour se déplacer il venait encore régulièrement au local, pour prendre des nouvelles, nous titiller, donner quelques coups de canne affectueux …
Droit Au Logement présente ses condoléances à sa femme Jacqueline, ses enfants et petits-enfants, à sa sœur et son frère sa famille et ses proches. Elles et ils vous invitent …
à l’église St Jean de Bosco, mardi 16 avril à 15h,
79, rue Alexandre Dumas, Paris 20e,
avant son inhumation en famille au Père Lachaise le lendemain. Il était pratiquant.
Il va nous manquer Jean, ses blagues, ses coups de canne et sa voix devenue un peu rauque ne résonneront plus au 29, av. Ledru-Rollin.
Un hommage lui sera rendu le dimanche 16 juin 2024.
Dans Libération en 1997.
Les militants d’aujourd’hui. Ils ont la retraite combative. Jean, 67 ans, se démène pour le droit au logement. Jean Thévenot passe ses après-midis à faire les permanences du DAL.
par Dominique SIMONNOT Libération le 4 février 1997 à 22h07
C’est une simple question de logique et de justice et Jean Thévenot, en a vite fait le tour, « s’il y a un nombre X de gens à la rue et un nombre X de logements vides, c’est normal que les uns viennent habiter les autres». Le DAL (Droit au logement) est né de cette équation, sous les tentes qui abritent des sans-logis, place de la Réunion à Paris : « On était juste une dizaine de copains », se souvient Jean. C’était en 1990. Jean à l’époque a 61 ans, il est de loin le plus vieux de la bande, mais «de gauche viscéralement, et catho profondément ». Débuter quelque chose. Un an auparavant, avait sonné l’heure de la retraite. En même temps est venue la déprime «je n’allais pas bien, je m’ennuyais ». Il y a bien Accueil et Promotion, l’association de soutien aux immigrés où il milite depuis pas mal de temps : « Mais c’était déjà bien lancé et je recherchais une autre motivation. Il me fallait du concret. J’aime bien débuter quelque chose, c’est excitant, exaltant… » Cette exaltation, Jean l’a déjà connue avec le Comité des mal-logés qu’il accompagne et qui occupe des HLM vides ou intervient lors des expulsions. Mais avec le DAL, il passe la vitesse supérieure « on a inventé une stratégie différente, car notre objectif premier était l’application de la loi de réquisition ».
Les limites de la charité. Il aurait pu, en bon catholique pratiquer la charité. Mais laquelle ? « Telle qu’on l’entend, ce n’est pas la vraie charité. On fait des assistés perpétuels, nous essayons de leur apprendre à se tenir debout, à ne pas tout attendre des autres.» Et sa longue silhouette se balade donc d’une manif à l’autre, d’un campement boueux à un immeuble chipé. Souvent, il faut violer la loi et ce n’est pas facile. « Je suis d’une génération qui n’a pas été élevée comme ça. Pour moi, les représentants de l’ordre, c’est tout de même très impressionnant.» Devant les charges de CRS, son sang se glace un peu, comme en 1992, rue Pixerécourt dans le XXe arrondissement. Il se laisse embarquer sans résister : « Autour de moi les copains se laissaient traîner. Mais ce n’est pas mon caractère et je n’en voyais pas l’utilité. Et puis l’âge aide à relativiser, je n’éprouve pas le besoin de me mesurer aux autres. »
Pas une tête de fouteur de merde. Et ça lui fait tout drôle quand il observe de son trottoir les jeunes escalader un mur pour entrer par la fenêtre d’un ministère que le DAL veut occuper. Mais il se rassure en pensant que les actions du DAL « sont légitimes ». Souvent, après une occupation retentissante, le dialogue s’engage avec les autorités et Jean-Baptiste Eyraud, le président du DAL, ndlr) l’emmène voir les préfets ou leur chef de cabinet. Dans leurs yeux, il lit : « Celui-là, avec sa tête, ce n’est pas possible que ce soit un fouteur de merde », et ça le fait sourire. Au DAL, c’est lui qui tient les permanences, reçoit les familles, accueille les militants, tous les après-midis. Car il réserve ses matinées au sport. Plus tard, quand tout le monde sera relogé, que la loi de réquisition sera vraiment appliquée, Jean sait qu’il cherchera un autre combat. Il rigole. « Ce ne sont pas les injustices qui manquent, mais il faudra que je sois encore en aussi bon état ».