1,8 millions de ménages locataires du secteur privé et 300 000 du secteur HLM vivent dans une passoire thermique F, G ou plus1:
24,3% des locataires du secteur privé, un locataire sur 4 vivent dans une passoire thermique F, G ou plus!
Il fait peu de doute qu’ils sont pour l’essentiel parmi la moitié, voire le quart le moins riche des ménages et n’ont pas d’autre choix pour se loger que d’accepter un logement indigne, à commencer par une passoire thermique et cher au regard de la surface et de la prestation, sinon, c’est la rue ….
Ils rencontrent des difficultés à la fois pour se chauffer et payer le loyer, dans le contexte de baisse des APL, de hausse des loyers et de l’énergie et de retour de l’inflation, notamment sur les produits de 1ère nécessité.
Ils ont subi encore plus durement le confinement et la crise sanitaire entassés les unEs sur les autres et enferméEs dans des logement humides, froids en hiver, étouffant sous la canicule …
Les locataires HLM sont moins touchés, puisqu’ils ne seraient que 7% à connaître ce triste sort soit 300 000 ménages. C’est encore beaucoup trop et là aussi le chantier contre les passoires thermiques doit s’accélérer, sans déboucher sur une hausse de loyer.
Face à l’urgence climatique, il y a une impérieuse nécessité de procéder à l’isolation thermique de tous les logements, mais elle doit être menée en protégeant les locataires ce qui est l’inverse aujourd’hui : la rénovation énergétique est menée au détriment des locataires modestes de passoires thermique, à l’avantage des bailleurs, des spéculateurs et des marchands de sommeil.
Une “rénovation énergétique” contre les locataires de passoire thermique :
En l’état de la législation et du dispositif mis en place par le Gouvernement, 4 scénarios se dessinent, et ;
I – Le bailleur ne veut ou ne peut pas réaliser les travaux, il vend et expulse son locataire :
Il met son logement en vente, lors du renouvellement du bail et délivre un congé vente. Le locataires doit alors quitter les lieux, de lui même (par « peur du gendarme », cas le plus fréquent), soit à l’issue d’un procédure d’expulsion éprouvante et d’une expulsion manu militari. Dans tout les cas de figure, le locataire doit trouver à se loger, dans le contexte de grave crise du logement qui se renforce d’année en année.
Un puissant syndicat des propriétaires fait savoir depuis plusieurs mois que les « petits-propriétaires-sont-contraints-de-vendre-car-ils-n’ont-pas-les-moyens-de-payer-les-travaux ». Il omet de préciser que c’est l’occasion d’expulser son locataire, lequel paye chaque mois un loyer cher depuis des années et qu’un logement vide d’occupants se vend 20 à 30% plus cher qu’un logement habité… quand à l’acquéreur, il va procéder à des travaux, pour louer également beaucoup plus cher puisque la loi l’autorise à augmenter le loyer, y compris pour des logements soumis à l’encadrement des loyers.
Mesure à prendre :
1 – Interdire les congés ventes sur les passoires thermique F, G et au delà
II – Le bailleur réalise des travaux et augmente le loyer :
Le bailleur peut effectuer des travaux avec le locataire en place et la loi l’autorise à augmenter le loyer de manière conséquente à l’issue des travaux. Là aussi, le locataire modeste s’il ne peut plus payer son loyer devra quitter les lieux, soit de lui même, soit à l’issue d’un procédure.
Mesures à prendre :
2 – Interdire la hausse de loyer après travaux d’isolation thermique dans le secteur privé et HLM
3 – Pousser les bailleurs modestes à conventionner pendant 20 ans leur logement (loyer équivalent à celui d’un logement social) en échange d’une prise en charge des travaux à 100% par la collectivité via l’ANAH par exemple.
4 – Rétablir la taxe sur le droit au bail ou renforcer l’impôt sur les revenus locatifs et les gros patrimoines pour financer la mesure.
III – Le bailleur ne réalise pas de travaux et encaisse le loyer du locataire en place :
L’unique sanction, est le gel de l’IRL, autrement dit pas de quoi décourager un bailleur ou une agence de continuer à exploiter son locataire. Il est prévu d’interdire progressivement la remise en location des passoires thermiques (2023 pour les catégories au delà de G, 2025 pour les G et 2028 pour les F), autrement dit le législateur considère qu’un bailleur n’a plus le droit d’encaisser de loyers sur les passoires thermiques. Pourquoi alors ne pas interdire la perception du loyer sur les locataires en place ?
Là encore, l’intérêt du bailleur est protégé.
Pourtant il est coupable puisqu’il loue une passoire, tandis que le locataire n’a pas d’autre solution, c’est la passoire ou la rue. Il est en quelque sorte otage de son bailleur.
La législation actuelle est idéale pour un marchand de sommeil, assuré non seulement de trouver une clientèle captive, de louer au plus cher, mais aussi d’acheter des logements à bas prix, puisque le marché des passoires F et G dégringole ! Cette générosité à l’égard des loueurs de passoire thermique, ralenti leur résorption et la lutte contre le réchauffement.
Mesures à prendre :
5 – Insérer les passoires thermiques F , G et au delà, dans les critères d’insalubrité, ouvrant droit automatiquement à un loyer à zéro euro.
6 – baisser automatiquement le loyer du montant de la surconsommation d’énergie par le locataire, facile à déterminer par les diagnostiqueurs agréés, ou inclure les passoires thermique D et E dans les normes de l’indécence, pour aboutir à une baisse de loyer.
IV- L’exonération inacceptable des locations Airbnb &Co !
L’obligation de réaliser des travaux de mise aux normes énergétiques ne concerne pas les locations touristiques de courte durée, type Airbnb &co. C’est un cadeau aux investisseurs qui se jettent avidement sur les secteurs touristiques en littoral, en montagne ou dans le secteur du tourisme vert, loin des grandes agglomérations qui commencent à réguler ce marché de prédation… Ainsi, tout en triplant la rentabilité de l’investissement, captant le parc locatif des résidents à l’année, les contraignant loin de leur bassin de vie comme le dénoncent aujourd’hui les bretons et les basques, le gouvernement encourage à dérégler le climat et se faisant… Il faut mettre fin à ce privilège des prédateurs qui ne manqueront pas de profiter de l’aubaine avec le soutien direct du Gouvernement .
Mesure à prendre :
7 – imposer aux résidences touristiques la réglementation relative à l’isolation thermique des locaux d’habitation, et appliquer partout les mesures encadrant la location temporaire meublée au résidences principale, moins de 4 mois par an.
V – Mettre de l’ordre dans la mise en œuvre du diagnostique, du suivi et du contrôle des travaux :
Un nouveau décret présenté le 15 septembre au CNH, prévoit de supprimer les aides publiques (ma primrénov), lorsque les travaux sont mal réalisés. Il s’agit selon l’administration de lutter contre les mal façons, voire les arnaques. Le propriétaire est le grand perdant puisqu’il devra alors s’acquitter de la totalité des travaux effectués. Autrement dit la puissance publique qui impose les travaux, les subventionne, n’a pas mis en place un dispositif suffisant de suivi et de contrôle des travaux, de certification des entreprises du bâtiment, de sanction à l’égard des entreprises défaillantes. Les particuliers, propriétaires occupants, petits bailleurs et locataires essuient les plâtres.
Mesures à prendre :
8 – Créer un service public territorial du logement et de la protection du climat chargé notamment du diagnostique, de la distribution des aides, du conventionnement, de la formation à ces nouveaux métiers et de contrôle de la qualité des travaux et doté de pouvoir de sanctions
9 – Créer un répertoire des logements, rassemblant un descriptif de chaque logement, notamment son classement énergétique, surface, état général, usage, loyer… sorte de carte grise de chaque logement.
VI – Protéger le climat et les locataires est une urgence vitale :
Les mesures de lutte contre les passoires thermiques adoptées protègent les bailleurs et même les marchands de sommeil mais elle menacent et fragilisent les locataires. Elles vont produire une nouvelle flambée de loyer sur le parc locatif privé ainsi qu’une vague d’expulsion massive.
Elles vont en l’état renforcer la pénurie de logements accessibles aux classes populaires et donc accroître encore le sans-abrisme.
Elles vont accélérer le glissement du parc locatif privé en secteur touristique vers la location meublée de courte durée (Airbnb &Co) et en zone urbaine tendue vers les marchands de sommeil.
La disparition progressive de ce parc locatif, passant aux mains d’investisseurs, de petits spéculateurs et de marchands de sommeil va encore durcir la crise du logement.
DAL fédération le 17-9-22
1 Selon une enquête de « EFFY », qui estime que 35% des passoires thermiques F et G sont occupées par des locataires du secteur privé. Il y aurait 5,2 millions de passoires thermiques selon le gouvernement.