Communiqué du DAL Grenoble suite à la délibération métropolitaine visant à expérimenter l’encadrement des loyers sur 28 communes
Grenoble le 2 décembre 2020
Disons-le d’emblée au regard des expérimentations déjà engagées à Paris et à Lille : l’encadrement des loyers dans certaines zones de la Métro, ne marquera pas un tournant social dans les politiques du logement, et encore moins une avancée significative pour les locataires.
Trop tard ! Les loyers sont déjà trop chers !
Le loyer médian est calculé sur le prix actuel du marché, qui est déjà bien trop élevé pour de nombreux.ses métropolitain.es : combien sommes-nous à éprouver de grosses difficultés à se loger dans le parc privé, ou à payer un loyer si élevé que l’on en est réduit à choisir entre manger et se chauffer ou à opter pour un logement trop petit ou vétuste ? A titre d’exemple, d’après l’Observatoire des Loyers qui classe les loyers de la région parmi les plus élevés de province, plus onéreuse que la région rennaise, toulousaine ou encore strasbourgeoise, 40% des familles monoparentales avec un enfant n’ont accès qu’à une infime partie du parc locatif privé de T3 de Grenoble.
Pourtant, la limite haute de l’encadrement est fixée à +20 % de ce loyer médian déjà exorbitant pour de nombreuses et nombreux d’entre nous !
Quelques gagnants et beaucoup plus de perdants :
Aucun locataire n’ayant signé son bail avant la date de mise en œuvre ne pourra en bénéficier…Il faudra attendre le renouvellement du bail pour pouvoir demander au juge une diminution du loyer s’il dépasse le loyer médian majoré, ce qui nécessite d’être bien informé, bien armé juridiquement et bien conseillé : nous attendons les guides pratiques de la Métro pour assigner son propriétaire en justice.
De plus, nombreux sont les locataires qui payent un loyer inférieur au loyer médian minoré (-30% du loyer médian), car ils sont dans les lieux depuis plusieurs dizaines d’années. Bailleurs cupides, sociétés immobilières et spéculateurs n’auront aucun état d’âme à leur imposer une hausse brutale de loyer au renouvellement du bail.
Si la mesure parait « équilibrée sur le papier », elle va avoir des conséquences sociales désastreuses : contraindre, au cours des 6 prochaines années, des dizaines de milliers de locataires, le plus souvent assez âgés, qui se maintiennent dans les quartiers populaires des métropoles grâce à leur ancienneté dans le logement, à le quitter de gré ou de force.
Trop faible, même Ian Brossat, adjoint au logement de la mairie de Paris, le dit !
Les sanctions prévues en cas de dépassement pour les propriétaires qui viendraient à être condamnés par la justice à la suite d’une procédure-usine-à-gaz sont risibles et ne décourageront pas les abus comme constaté à Paris par Ian Brossat le 12 novembre 2020.
En conclusion, le dispositif d’encadrement aura un effet marginal sur le niveau des loyers qui ne cessent d’augmenter depuis les années 2000, et contient des effets pervers pour une part non négligeable pour de nombreux locataires.
Nous demandons donc des mesures concrètes pour empêcher l’exil voire l’expulsion des victimes (les locataires anciens du secteur privé) des effets pervers de cette expérimentation !
Le DAL Grenoble exige, en ce qui concerne la politique des loyers dans le secteur privé :
– La réquisition des logements vacants pour répondre à l’urgence sociale.
Un toit c’est un droit !
Droit Au Logement, dès 2002, revendique l’encadrement des loyers qui n’ont cessé de flamber depuis 2000. La revendication s’appuie sur l’exemple de plusieurs pays européens, notamment les pays nordiques, mais surtout sur notre propre histoire : la France a baissé drastiquement les loyers en 1914 et 1948. Ainsi, à la libération, les loyers coûtent moins cher que la consommation de tabac.
La loi de 1948 va produire une hausse très modérée des loyers, mais les locataires modestes peuvent continuer à se loger à Paris et dans les grandes villes. En 1973, la part du loyer dans le budget des locataires ne dépasse pas 10%.
La loi de 48 est sévèrement attaquée dans les années 70 et définitivement abrogée en 1986 par Jacques Chirac, hormis les baux en cours. S’en suivra une flambée des loyers et de l’immobilier, à Paris notamment, jusqu’à la crise de 1990.
Courant 2011, le DAL lance et anime le collectif contre le logement cher, réunissant notamment des associations de locataires et des syndicats, en vue de mettre le sujet à l’ordre du jour des programmes des candidats aux élections présidentielles. Cette revendication a été intégrée par les candidats de la gauche en général, dont F. Hollande.
Le mouvement social obtient en juillet 2013 le décret instaurant un gel des loyers à la relocation dans les zones tendues, reconduit chaque année depuis. En l’absence de sanctions et surtout d’un répertoire central des loyers, de nombreux bailleurs grugent leur nouveau locataire, qui ne peut vérifier les dires du bailleur.
En mars 2014, la loi ALUR accouche donc d’une nouvelle législation sur l’encadrement des loyers, près de 30 ans après son abrogation.
Un tabou est tombé : le principe de la fixation des loyers en fonction du marché, dans un contexte de pénurie n’est plus d’actualité.
Mais le texte de loi est insuffisant pour faire baisser les loyers. De plus, M. Valls, dès son arrivée à Matignon saborde sa mise en œuvre. Il impose illégalement la limitation de l’encadrement, non plus aux agglomérations tendues sur décision du Préfet, mais à chaque commune qui le demande.
En novembre 2017, l’encadrement des loyers en vigueur à Lille et Paris est abrogé par les tribunaux administratifs de Lille et Paris. Plutôt que de généraliser l’encadrement à l’ensemble de l’Ile-de-France et de la métropole lilloise, le gouvernement Philippe décide de présenter un nouveau texte, validant le modèle de Valls (sur demande du maire), à titre expérimental (sur 5 ans), et introduisant une sanction financière à l’encontre des bailleurs qui violent le dispositif…. Décembre 2018, adoption de la loi ELAN. Juillet 2019, mise en œuvre à Paris puis à Lille… Novembre 2020 : mise en expérimentation à Grenoble, Lyon, Villeurbanne, Bordeaux et Montpellier.