ATTENTION, MISE A JOUR EN COURS : LA LOI A ETE MODIFIEE (Version 2019)
Déclarer une manifestation
16-01-2019
1 – Le contexte répressif actuel :
Les mobilisations sociales de ces dernières semaines, ont donné lieu à des rassemblements et des manifestations spontanées. Beaucoup ont été réprimées au motif qu’il s’agissait de manifestations non déclarées. Depuis plusieurs années la police emploie des armes dites « intermédiaires », provoquant des mutilations en grand nombre, voire des décès, et l’armement anti émeute de la police française, réputée brutale pour un pays démocratique est de plus en plus puissant et systématiquement employé.
Or la violence engendre la violence, et n’est évidemment pas la bonne réponse à la crise sociale actuelle.
L’absence de déclaration vient aussi justifier la répression du mouvement lycéen, lorsqu’ils organisent des blocages devant leur lycée, ou défilent dans les rues.
L’interpellation d’Éric Drouet alors qu’il marchait avec une cinquantaine de personnes sur le trottoir de la rue Royale, et la volonté affichée du pouvoir de le poursuivre et de le faire condamner pour “manifestation non déclarée” est une autre manière de tenter de réduire le mouvement social.
Les très nombreuses interventions de police pour démonter les QG des gilets jaunes à proximité des ronds-points ont nécessité, lorsque les conditions étaient réunies, de développer des stratégies juridiques pour bloquer les destructions.
Le projet de loi annoncé par E. Philippe, début janvier, a pour objet de pénaliser les manifestations non déclarées, alors qu’elles sont déjà passibles de sanctions pénales et financières (voir le point 6). Il s’agira clairement d’une limitation à la liberté et au droit de manifester, (pénaliser les participants à une manifestation non déclarée, au lieu des organisateurs) tout en continuant à intégrer dans le droit commun des mesures prévues dans l’état d’urgence (assignations à résidence délivrées à des manifestants, ou contraindre les organisateurs à créer des « périmètres sécurisés ».
L’extension du champ répressif annoncé pour mater la révolte populaire et poursuivre les réformes asociales en cours nous rapproche de l’état d’urgence permanent, et conduit à un état policier.
2 – Le régime des manifestations en France :
Les manifestations en France ne sont pas soumises à une autorisation préalable, mais à une déclaration. Les organisateurs d’une manifestation n’ont donc pas à attendre une autorisation pour manifester.
C’est un principe constitutionnel : la liberté de manifester serait violée si elle était soumise à une autorisation.
L’obligation de déclaration a été instituée en 1934 à la suite d’un assaut de l’Assemblée Nationale par les “cagoules”, groupe paramilitaire d’extrême droite, en vue de déclencher un coup d’état.
Il est évident que ni les blocus lycéens, ni le dépôt de bougies en mémoire des victimes du mouvement, ni les QG installés aux ronds-points, ni les manifs des gilets jaunes ne menacent les institutions républicaines, elles réduisent la popularité du gouvernement et du chef d’Etat et gênent ses velléités de régressions sociales. D’ailleurs, en cas de crise sociale majeure, il existe des fusibles : démission du gouvernement, dissolution de l’Assemblée nationale, nouvelles élections … Il n’y a manifestement pas pour l’heure dangers sur les institutions républicaines.
Pour autant le Préfet peut interdire une manifestation, arguant d’un risque de trouble à l’ordre public, mais une telle décision est susceptible d’être contestée au tribunal administratif, préalablement à la manifestation si la déclaration a été faite dans les délais.
3 – Les règles de déclaration préalable :
Il faut déposer, 3 jours francs[1] avant la manifestation, une déclaration décrivant avec précisions (exemple de déclaration ci dessous) :
- Le jour, le lieu précis de commencement de la manifestation (Prévoir un délai avant l’heure de RV public, si besoin pour préparer l’initiative).
- Le jour, l’heure et le lieu de la dispersion (prévoir également un délai après la dispersion prévue)
- Si c’est une manifestation statique, décrire le lieu choisi avec précision, afin de ne pas se voir imposer un lieu inadéquat par la police.
- Pour une manifestation mobile, décrire le trajet avec le plus de précision possible en n’oubliant aucune voie empruntée ni le choix de la chaussée, de la demi chaussée, du trottoir, …
- Il faut la signature de trois organisateurs, domiciliés dans le département, leur adresse et leur contact.
- La déclaration peut être envoyée par mail, par fax, signée par les organisateurs. Parfois l’autorité compétente contre-signe la déclaration. Les signatures peuvent être faites aussi en préfecture, mais ce n’est pas une obligation pour les organisateurs de la manifestation, le fax ou le mail faisant foi.
- Elle doit être déposée auprès du Préfet lorsque la manifestation est organisée dans une commune où la police est compétente (notamment ville préfecture, grandes agglomération), ou du Maire sur les territoires où la police nationale est absente (Se renseigner si besoin auprès de la Mairie).
Une manifestation peut être :
- Mobile, il faut alors déclarer un trajet, sur la chaussée,
- Statique, sur une place ou un espace public en général, faisant partie du domaine public.
S’il s’agit d’un domaine privé, la police ne peut intervenir qu’à la demande du propriétaire. Si des personnes physiques ou morales y ont établi leur domicile, un jugement d’expulsion exécutoire est nécessaire, ainsi que le concours de la force publique octroyée du préfet et délivrée à l’huissier …
4 – Des luttes pour le droit de manifester :
Le droit de manifester est un droit fondamental. Il ne peut être limité que dans les cas de “risque grave de trouble à l’ordre public”, et est conditionné au dépôt préalable d’une déclaration de manifestation auprès de l’autorité compétente.
L’expérience du DAL en matière de manif mobile classique sur la chaussée ou statique telle que les campements est ancienne. Elle a évolué au fil des conflits et des rapports de force avec le pouvoir politique et ses instruments de répression.
A ce stade il faut préciser que le DAL pratique des formes d’actions pacifiques et non violentes, d’autant plus que les mal logés et les sans logis sont majoritairement des familles avec des enfants, des mères, des personnes handicapées ou en mauvaise santé … Dans ce contexte la violence, lorsqu’elle se manifeste, émane de la police.
Ainsi à différentes reprises, des violences excessives commises contre des membres du DAL au cours d’une manifestation, ou des faux témoignages en vue de faire condamner des militantEs ont donné lieu à des condamnations de policiers par la justice.
En novembre 2013, l’installation d’un campement de 300 familles place de la République donne lieu à un nouveau rapport de force et à plusieurs épisodes d’évacuations brutales et de réinstallations, malgré les déclarations de manifestation transmises à la Préfecture de Police de Paris. La justice donnera raison aux familles sous réserve que la manifestation reste non violente, sans risque de “trouble à l’ordre public”, laissant ainsi le champs libre aux campement du DAL. La question d’une bonne hygiène peut aussi se poser.
Le principe des déclarations préalables de manifestation s’applique donc à des manifestations statiques de longue durée, et l’autorité de police, ou municipale selon le territoire, ne peut en principe s’y opposer, sauf à démontrer un risque de trouble grave à l’ordre public.
5 – Etat d’urgence :
Les deux années d’état d’urgence que nous avons connues après les attentats du 13 novembre 2015, avec leur cortège d’assignations à résidence, d’interdictions de manifester, de perquisitions arbitraires, ont donné lieu à des mobilisations nombreuses, et à des contestations juridiques de fond.
La longueur de la durée de l’état d’urgence, créant de fait un « état d’urgence permanent » a affaibli la liberté de manifester, et sa sortie n’a été obtenue qu’en 2017 à l’issue d’une nouvelle loi répressive, introduisant dans le droit commun des mesures spécifiques à l’état d’urgence (notamment la manifestation sécurisée….)
Aujourd’hui, alors que le pouvoir politique se sent menacé par le mouvement social, la tentation de se rapprocher de l’état d’urgence permanent ressurgit à travers le projet de loi Retailleau, adopté en première lecture au Sénat et qui sera discuté à l’Assemblée apparemment dès le 28 janvier.
Il prévoit notamment un fichier des manifestants, l’assignation à résidence des manifestants jugés dangereux, l’arrestation des personnes participant à une manifestation non déclarée …
6 – Textes de loi relatifs aux manifestations :
Selon les articles L 211-1 et L 211-2 du Code de la Sécurité Intérieure, les cortèges, défilés, rassemblements de personnes et toute manifestation sur la voie publique sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable.
Article 431-9 du code pénal :
Constitue le délit de manifestation illicite, puni de six mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende, le fait :
1° D’avoir organisé sur la voie publique une manifestation n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable dans les conditions fixées par la loi.
2° D’avoir organisé sur la voie publique une manifestation ayant été interdite dans les conditions fixées par la loi.
3° D’avoir établi une déclaration incomplète ou inexacte, de nature à tromper sur l’objet ou les conditions de la manifestation projetée.
Des informations officielles sur :
https://www.service-public.fr/associations/vosdroits/F21899
[1] Un jour franc commence à zéro heure et se termine à minuit.
[Doc] DeclarationDeManifestation-Modele [Pdf] Déclarer une manif 16-01-19