SQUAT : ce que change et ne change pas la loi ELAN


SQUAT : ce que change et ne change pas la loi ELAN

 

La loi ELAN n’a pas criminalisé les squatters de logements vacants, ni modifié la trêve hivernale … grâce aux mobilisations en août et septembre dernier. En effet, la menace était sérieuse !
Par contre ELAN supprime les 2 mois de délais du commandement de quitter les lieux, ce qui constitue une entorse au droit des squatters de logements vacants et occupants sans titre, chèrement acquis au fil des combats, de 1945 à aujourd’hui, face à l’incapacité des gouvernants de mettre en œuvre le droit au logement pour tous, et compte tenu de l’importance constante du nombre de logements vacants.

Bobards et fake-news :

Depuis plusieurs semaines une nouvelle campagne d’intox est lancée, relayée par les milieux des bailleurs,  les réseaux sociaux, la presse et des journalistes bidons, voire même de prétendus spécialistes …

Cette « intox » permet à des policiers et des propriétaires de prétendre que la loi ELAN a supprimé la trêve hivernale pour tous les squatters de logements vides, de les inquiéter, leur faire peur, les pousser à partir…

 

Une confusion délibérée est entretenue entre les squatters par nécessité qui occupent des locaux et des logements vacants, et les personnes qui s’introduisent et s’installent dans le domicile d’autrui.

Or il est d’évidence que les squatters s’installent dans des logements vacants, non pas dans des logements habités.

La loi ELAN a été promulguée vendredi 23 novembre, et les modifications qu’elle apporte, bien que d’application immédiate pour celles que nous traitons dans ce document, seront intégrées progressivement dans les prochaines semaines dans le code de la construction et le code des procédures civiles d’exécution.

 

Examinons les articles de loi qui provoquent ces inquiétudes et ces abus :

1 – La trêve hivernale pour les squatters de logements vides est automatique, sauf si le juge la supprime :

Que dit désormais la loi (en rouge le nouveau texte, et en gris le texte supprimé) ?
 

Article L 412-6 du code des procédures civiles d’exécution :

Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.”

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait.

Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l’aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa. »


(Paragraphe supprimé : « Toutefois, le juge peut supprimer le bénéfice du sursis prévu au premier alinéa lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les lieux par voie de fait ».)

 

Sauf dans le cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui, la trêve hivernale est maintenue pour les squatters de logements ou locaux vacants, sauf si le juge la supprime dans son ordonnance. La trêve hivernale reste automatique et ne peut être remise en cause que par le juge. Un propriétaire, un huissier, la police ou le Préfet ne peuvent expulser des habitants pendant la trêve hivernale si le juge ne l’a pas expressément supprimée.

 

Ce n’est que dans le cas « d’occupation du domicile d’autrui » (que certains qualifient de « vol de domicile ») que la nouvelle version de l’article 412-6 du code des procédures civiles d’exécution de (Article 201 de la loi ELAN) supprime automatiquement le bénéfice de la trêve hivernale.

Il faut admettre que sa nouvelle rédaction est particulièrement tortueuse, et qu’elle produit de la confusion.

Or cette disposition semble inutile, dans la mesure ou l’occupation et le maintien dans le domicile d’autrui est déjà un délit punissable d’un an de prison et 15 000 euros d’amende, et surtout que l’expulsion peut être exécutée dans un délai de 48h, sur décision du Préfet et sans jugement, à tout moment, en été comme en hiver.

2 – L’occupation d’un logement ou local vacant N’EST PAS UN  DÉLIT :

 

L’occupation et le maintien dans un logement ou local vacant n‘est pas un délit, dès lors que ce logement ou ce local ne constituent pas le domicile d’autrui, sa résidence principale, ou sa résidence secondaire.

A de multiples reprises, des parlementaires ou ministres ont voulu criminaliser l’occupation de logements vacants. La dernière tentative date de la loi ELAN, lorsque fin juillet 2018 les sénateurs LR, UDI et FN à l’occasion de la loi ELAN ont voté un article criminalisant l’introduction et le maintien dans un logement vacant au même titre que dans le domicile d’autrui.

Après des manifestations, la tentative a échoué et l’article a été retiré lors des négociations entre le Sénat et l’Assemblée (CMP) le 18 septembre.

L’introduction et le maintien dans  du domicile d’autrui (voire de sa résidence secondaire) est sanctionné (Art 226-4 du code pénal), la violation du domicile d’autrui (432-8 du code pénal), ou l’expulsion illicite (226-4-2 du code pénal)

Les articles 226-4 du code pénal et 38 de la loi du 5 mars 2007 ne s’appliquent donc pas aux personnes qui occupent un logement vacant, malgré les multiples tentatives de criminaliser les squatters depuis bientôt 30 ans.

 

Le texte en vigueur :

 

Article 226-4 du code pénal :

« L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »

 

Article 38 de la loi du 5 mars 2007

« En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l’évacuation forcée du logement  sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. »

 

3 – Suppression du délai de 2 mois du commandement de quitter les lieux :

Le gouvernement a supprimé les 2 mois de délai qui suivent automatiquement la délivrance du commandement de quitter les lieux, alors qu’il était jusqu’alors laissé à l’appréciation du juge. Si ces 2 mois paraissent peu de chose aux yeux des parlementaires qui ont pris cette décision, ils constituent un répit pour rechercher un autre endroit afin de se mettre à l’abri … Il s’agit bien d’une mesure anti-pauvre, dont l’objet était de donner satisfaction aux expulseurs et aux tenant de la criminalisation des pauvres.

 

Article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution

 

Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7


Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.


Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.


(Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.)

 

4 – Conclusion :

Il n’y a pas lieu de s’inquiéter des menaces proférées par certains, si le jugement d’expulsion n’a pas supprimé la trêve hivernale.

Par contre il faudra être vigilants cet hiver contre toute tentative d’expulsion, qu’elle soit légale (autorisée par le juge), ou illégale.

Il est juste d’occuper des bâtiments vacants publics ou appartenant aux spéculateurs et autres grands propriétaires, et d’exiger l’application de la loi de réquisition. En effet, 3 millions de logements sont recensés comme vacants par l’INSEE, un record historique !!