Lettre ouverte
A Paris, le 18 novembre 2016
Objet : Respect de la trêve hivernale
Monsieur le Préfet,
Les médias bruissent des intentions exprimées par les uns ou les autres de procéder à l’expulsion de l’ensemble des occupants de Notre Dame des Landes. Étant donné que ceux-ci ont indiqué leur volonté de rester sur la zone, cette expulsion nécessiterait que vous prêtiez au propriétaire le concours de la force publique.
Il nous apparaît que cette expulsion, si elle était mise en œuvre aujourd’hui, serait irrégulière.
En effet, vous n’ignorez pas qu’il résulte de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution que seul le juge peut autoriser une expulsion pendant la trêve hivernale et uniquement pour des occupants entrés par « voie de fait ».
Or, aucune des décisions ordonnant l’expulsion d’occupants de Notre Dame des Landes dont nous avons pu prendre connaissance n’autorise expressément cette expulsion pendant la trêve hivernale.
Ainsi, vous ne pouvez accorder le concours de la force publique pour leur expulsion avant le 31 mars 2017 sauf à commettre une voie de fait.
Par ailleurs, l’expulsion de certains autres occupants semble avoir été ordonnée sur requête. Cette procédure, non contradictoire, les prive du droit à un procès équitable et à un recours effectif. Dans ces conditions, de telles décisions ne sauraient justifier le concours de la force publique.
Aussi, Monsieur le préfet, nous serons particulièrement vigilants quant au respect des dispositions encadrant la trêve hivernale des expulsions.
Veuillez agréer, Monsieur le préfet, l’expression de notre considération distinguée.
Bertrand COUDERC, Président du Syndicat des Avocats de France
Jean-Baptiste EYRAUD, Porte parole du DAL
Clarisse TARON, Présidente du Syndicat de la Magistrature
COMMUNIQUÉ du DAL, SM et SAF du 2 novembre 2016
Les occupants de la ZAD de Notre dame des Landes, nous ont alertés des graves irrégularités dans la procédure d’expulsion, dont ils font l’objet, irrégularités contraires à plusieurs principes fondamentaux du droit français et européen.
1- Le droit à un procès équitable
Une grande part des expulsions ont été ordonnées “sur requête”, c’estGàGdire au moyen d’une procédure non contradictoire et non publique. Les occupants n’ont pas été préalablement convoqués, ni même informés de cette audience. L’huissier du demandeur a sans doute fait valoir qu’il ne lui avait pas été possible de relever l’identité des occupants. Pourtant certains habitants de la ZAD se sont fait connaître auprès de Vinci, délégataire du propriétaire, par courrier recommandé. Le demandeur ne pouvait donc les ignorer et pourtant il a fait le choix de ne pas les assigner nominativement devant le tribunal, les privant ainsi du droit élémentaire de se défendre.
2 – Le droit à un recours effectif
Le code de procédure civile ouvre un recours à toute personne à qui une ordonnance sur requête fait grief .
Mais, les occupants de la ZAD qui se voient refuser la communication des ordonnances d’expulsion, sont privés de fait, de ce recours, comme de la possibilité de saisir le juge de l’exécution de demandes de délais pour quitter les lieux.
3 – Le droit à la suspension de l’expulsion pendant la trêve hivernale
Si l’expulsion des occupants entrés par « voie de fait », et seulement la leur , est possible même pendant la trêve hivernale, c’est à la condition que le juge qui a ordonné l’expulsion l’ait autorisée.
Les médias ont relayé ces derniers jours des annonces de l’expulsion prochaine des occupants de NDDL, alors que la trêve hivernale a débuté depuis le 1er novembre. Or, les décisions dont nous avons pris connaissance n’autorisent pas l’expulsion pendant cette trêve. C’est donc à la violation d’une décision de justice que le Préfet qui accepterait de prêter le concours de la force public, se livrerait.
Nous rappelons que dans un Etat de droit, il appartient aux autorités de s’assurer de la mise en oeuvre d’une procédure régulière respectant la loi et les droits des occupants.
Droit Au Logement – Syndicat de la magistrature – Syndicat de la magistrature