Rouen : Lettre ouverte du squatte de la Maladrerie


Nous, Collectif 76 des salariés du secteur social et médico-social, occupons le 52 rue Bouquet à Rouen, ancien foyer de la Maladrerie et accueillons sept familles pour dénoncer le manque patent de solution d’hébergement.

Nous devions être reçus, le 04 juillet 2012 à la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS), pour en discuter mais ce rendez-vous a été annulé, par son directeur M. Plouviez, au prétexte que la préfecture n’acceptait de son côté de nous recevoir qu’à la condition que nous quittions l’ancien foyer de la Maladrerie .

Le 06 juillet 2012, la ministre, Mme Valérie Fourneyron, que nous avons rencontrée à la mairie à l’occasion de sa passation de pouvoir, s’est engagée à intervenir auprès de la préfecture afin que nous soyons reçus.

A ce jour, nous n’avons reçu aucune invitation en ce sens de la part de la préfecture.

Aussi, hier, le 23 juillet 2012, nous nous sommes invités à la DDCS afin de faire pression sur son directeur M. Plouviez pour qu’il nous reçoit. Ce dernier a fini par accepter. Il a dit partager notre constat alarmant concernant le secteur social tout en commettant plusieurs erreurs substantielles d’appréciation quant à la réalité du secteur de l’hébergement d’urgence dans l’agglomération. Les salariés du social présents n’ont pas manqué de le lui démontrer. Il a fini par concéder « qu’il leur fallait s’améliorer sur ce sujet ». Pour autant, il a affirmé clairement, qu’il n’y avait pas assez d’argent pour honorer le devoir de l’État formulé dans son principe de « continuité de l’hébergement ».

Le droit à l’hébergement a pourtant été reconnu comme Liberté Fondamentale par le Conseil Constitutionnel en mars 2012, et sa continuité déjà reconnue par la loi de mars 2007.

Comment M. Plouviez peut-il prétendre que le manque supposé de financement dédouanerait l’Etat d’assurer sa responsabilité en la matière ?

Plus encore, M. Plouviez nous a dit qu’il ne pensait pas que « la création de 100 places d’hébergements d’urgence supplémentaires», allait régler le problème des quelques 70 personnes (dont une vingtaine d’enfants) qui dorment à la rue chaque soir. Un simple calcul mathématique, nous permet de déduire que c’est de manière délibérée que l’État laisse des personnes à la rue, afin de ne pas produire un prétendu « appel d’air » de « pauvres » dans l’agglomération et plus largement sur notre territoire. C’est l’application de l’idéologie que l’on retrouve dans la fameuse phrase de Michel Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part   ». Nous rétorquons d’abord que toutes les personnes présentes sur notre territoire doivent se voir traiter dans le respect de la loi et donc se voir offrir jour et nuit une solution digne d’hébergement. C’est la « part » minimale qui revient à cette république.

Plus largement nous contestons ce raisonnement dans la mesure où nous pensons, d’une part, que la 5ème puissance du monde, pourvue d’entreprises privées qui font des bénéfices énormes, avec « l’aide » de l’exploitation des salariés et de l’argent des contribuables, a les moyens d’honorer ses obligations en matière de justice sociale. Plus largement encore, nous pensons, d’autre part, qu’un modèle social qui dit, par la voix de ses représentants, ne pas pouvoir faire autrement que de laisser des femmes, des hommes et des enfants à la rue, doit être combattu.

Ce sont, toujours, à l’image de M. Plouviez, hier, ceux qui ont une situation sociale très satisfaisante, qui nous disent que certes c’est « malheureux » mais que le problème est plus « compliqué » que nous le pensons. Nous devons comprendre qu’en plus d’être pauvres, nous sommes stupides. De là à déduire que c’est une relation de cause à effet, certains aimeraient que nous le pensions afin que nous baissions la tête et que nous acceptions notre prétendu, juste ou du moins irrémédiable sort.

Nous, Travailleurs prolétarisés du secteur social et médico-social, que le pouvoir en place voudrait réduire à de simples techniciens ou exécutants d’une politique injuste, inégalitaire, culpabilisante et excluante ou tout au mieux pseudo-fataliste et compatissante, décidée par des personnes nanties et installées, refusons d’appliquer cette politique.

Nous, Collectif 76, continuons de soutenir les familles qui vivent à la « Maladrerie occupée » et continuons de dénoncer l’absence de réelle politique du pouvoir en place en matière de justice sociale et plus particulièrement en matière d’hébergement d’urgence.

Nous, Collectif 76, interpellons le Parti Socialiste qui détient, aujourd’hui, tous les leviers du pouvoir, sur sa volonté à défendre, à se donner les moyens et à mettre en place une véritable justice sociale dans notre pays. Nous ne manquerons pas de continuer à le lui rappeler et à l’y obliger.

Nous, Collectif 76, rappelons avoir été reçu, uniquement, parce que nous nous sommes invités à la DDCS, le 23 juillet 2012. Cette dernière nous a affirmé ne pouvoir apporter aucune réponse ni solution concernant le manque de places alarmant d’hébergement d’urgence, exception faite d’hypothétiques solutions individuelles. Nos revendications qui, pourtant, se basent sur les lois existantes ne relèvent, selon son directeur, que du pouvoir ministériel.

Après le refus du Préfet, l’irresponsabilité ou l’impuissance prétendue de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) en la matière, nous interpellons le ministre, en nous fondant sur le dialogue social prôné par le nouveau gouvernement et nous demandons, à nouveau, l’organisation d’une table ronde avec tous les interlocuteurs du secteur de l’hébergement.

Les discours, déclarations et promesses électorales nous ont laissé penser qu’un dialogue social pourrait être instauré.

Nous constatons, qu’après avoir imputé en permanence la responsabilité de l’inertie en matière d’hébergement au précédent gouvernement de droite, et alors que le Parti Socialiste détient, désormais, tous les leviers du pouvoir, que tous les niveaux institutionnels restent sourds à nos revendications légitimes et refusent de prendre des mesures d’urgence.

Nous en avons assez d’être ballotés d’une instance à une autre sans jamais être entendus. En effet, chaque soir 50 à 70 personnes, dont des enfants parfois en très bas-âge, à Rouen et dans l’agglomération, dorment dans la rue, et ce, au mépris de la loi et de la liberté fondamentale du droit à l’hébergement.

Rappelons cette évidence : l’État a pour obligation de donner un toit à chacun sans condition. Nos revendications sont légitimes et urgentes!

 

ASSEZ de MEPRIS!

DE QUI SE MOQUE-T-ON ?

ET LE CHANGEMENT C’EST POUR QUAND ?

DES MOYENS POUR LE SOCIAL !

 

à :

Madame la ministre du Logement, Cécile Duflot, Madame le ministre du droit des Femmes, Mesdames, Messieurs, les Députés, Monsieur le Président du Conseil général de Seine-Maritime, Monsieur le Préfet de Seine-Maritime, Monsieur le Président de l’ARS, Monsieur le Directeur de la DDCS, Monsieur le Président du Conseil d’Administration de l’ONM

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