Le rappel des faits :
Dix-neuf sans-abri ont trouvé refuge depuis trois à six mois au 25 rue de l’Échiquier, grand immeuble vacant depuis plusieurs années, sur lequel doit être construit un important programme de logements sociaux, par la SA HLM « La Sablière », liée à la SNCF. Les artistes du « Théâtre de verre », ont occupé les locaux dans la cour et ont rendu les lieux fin 2007. Il restait dans l’immeuble trois locataires en titre, pour lesquelles le relogement tardait. Les sans abris vivaient paisiblement, et les relations avec les locataires étaient bonnes.
Jeudi 28 janvier, un départ de feu a eu lieu dans la cage d’escalier, du 27 rue de l’échiquier, sans conséquences sur les logements occupés. A cette occasion, les trois locataires en titre encore dans les lieux sont placées dans des hôtels, (elles ont eu depuis des propositions de relogement et vont être logées dans le quartier). Après le départ des pompiers, dans la soirée du 28 janvier, « La Sablière » envoie des vigiles qui entreprennent de terroriser les occupants. Ils sont armés de chiens de garde (pitbull, berger allemand), sans muselière. Ils provoquent une bousculade. Deux occupants sont hospitalisés. D’autres qui sont sortis pour accompagner leurs copains, ou faire des courses sont bloqués illégalement par les vigiles. Ils leur refusent l’accès à leur logement. C’est une expulsion manu militari, sans jugement d’expulsion, totalement illégale. 7 habitants décident alors de rester dans leur logement le plus longtemps possible. Ils savent que s’ils sortent, ils sont à la rue. Les « résistants » sont ravitaillés par la fenêtre, par les expulsés, qui sont restés solidaires, et qui passent leurs nuits sous le porche de la poste voisine.
Samedi 31 janvier, Droit Au logement est informé de la situation. Les vigiles refusent toujours le retour des occupants dans leur logement. Des tentes et des sacs de couchage sont installés, lundi soir. « La Sablière » refuse de réintégrer les occupants en niant leur existence.
Mardi 2 février, un premier rassemblement est organisé auquel participent les «Jeudi Noirs» et des artistes du « Théâtre de verre ». Juristes et avocats commencent à travailler pour saisir la justice et demander une réintégration au juge d’un côté et suivre des plaintes en pénal des expulsés. Pendant ce temps, les vigiles détériorent délibérément les locaux. Ils font du feu dans une pièce voisine des logements encore occupés, détruisent les installations électriques, et des tuyauteries, de telle sorte à rendre les lieux inhabitables et dangereux. Face à la police, ils prétendent que les occupants ont causé ces dégradations.
Mercredi 3 février, la Préfecture de Police prend un arrêté de péril imminent sur l’ensemble de l’immeuble, et d’importantes forces de police expulsent les derniers occupants, en plein hiver. Aucun huissier n’est mandaté pour faire l’inventaire des biens des expulsés, qui sont laissés aux mains des vigiles. Les occupants sont évacués sans que leur soit remis un procès-verbal faisant l’inventaire des biens qu’ils laissent dans leur logement. Contrairement, aux engagements pris, les autorités ont laissé les affaires sous la responsabilité des vigiles. Cette évacuation administrative, cautionne ces méthodes de voyous et donne raison à ceux qui ont commis les délits. Des plaintes ont été déposées.
La SA HLM « La Sablière » propose alors d’héberger les 7 occupants qui tenaient le siège, pour une semaine. Ils refusent, car ils sont solidaires des copains qui les ont soutenus et savent qu’au bout d’une semaine c’est à nouveau la rue. D’autres tentes sont installées. Actuellement, il y a 14 tentes, et 19 expulsés, car l’un d’entre eux vient de sortir de l’hôpital, où il était en soins prolongés.
Jeudi 4 février, les expulsés improvisent une marche dans le quartier en direction de la mairie du 10e, avec le DAL. Une délégation est reçue par le directeur de cabinet, et l’adjoint au logement. Les expulsés sont déterminés à poursuivre le mouvement et demandent :
-* Une table ronde pour les relogements de tous les expulsés.
-* Un soutien pour la régularisation des 7 sans-papiers.
-* Une enquête approfondie et des poursuites contre les vigiles, l’entreprise de gardiennage, et le commanditaire de l’expulsion illégale.
-* La préservation et la restitution de tous les biens, papiers et affaires des expulsés (il n’y avait même pas d’huissier lors de l’évacuation).
-* Le maintien du campement jusqu’à la signature d’un protocole.
La Mairie du 10ème arrondissement a donné son accord sur certaines revendications. Une réunion aura lieu prochainement.
Quelques questions :
Est-ce le retour des vigiles dans la capitale ? Nous n’avions pas assisté à de tels agissements, depuis les années 1990. Cette expulsion en pleine trêve hivernale, et sans aucun jugement, est malheureusement le fait d’un bailleur social, mandaté par la ville de Paris sur une opération de logements, ce qui est d’autant plus inacceptable.
Les institutions publiques ont laissé délibérément s’aggraver, la situation de personnes qui sont déjà en grande précarité :
-* L’absence d’huissier pour procéder à un inventaire lors de l’évacuation, l’absence de garde-meuble pour stocker les quelques effets des expulsés contribuera certainement à aggraver leur précarité.
-* Le choix d’envoyer une milice privée pour « nettoyer » le squat, plutôt que de suivre une procédure d’expulsion sous l’autorité d’un juge, comme le prévoit la loi.
-* Le refus de reconnaître l’existence des 11 personnes qui ont été expulsées illégalement, et la mise devant le fait accompli.
Cette attitude témoigne d’un grand mépris à leur égard. La priorité pour les autorités a été manifestement de commencer l’opération au plus vite, quitte à laisser s’accomplir dans l’immeuble une série de délits par des brutes professionnelles et de précipiter des procédures mal ficelées.
Il y a eu une certaine tolérance, voire complicité des pouvoirs publics avec ces agissements :
-* La police à aucun moment n’a accepté de réintégrer les habitants, alors que celle-ci était déjà passé à plusieurs reprises les semaines précédentes, et que les locataires sinistrées connaissaient les habitants et étaient en mesure de témoigner. Le DAL l’a indiqué aux autorités dès mardi soir. Certaines plaintes d’occupants ont été refusées, et aucun témoin n’a été entendu.
-* L’arrêté de péril pris par la Préfecture de Police de Paris est tombé bien à propos, et finalement a achevé une expulsion qui avait débuté une semaine auparavant, cautionnant l’intervention illégale commanditée par la SA HLM.
-* La Ville de paris est restée bien silencieuse, et lors de l’évacuation, aucun représentant de la Mairie d’arrondissement ni de la ville comme c’est l’usage habituellement n’était présent. Or c’est la Ville de Paris qui a confié l’opération et a cédé le terrain à la SA HLM « La Sablière », et qui contribue à la réalisation de ce programme à hauteur de 2 millions d’Euros. Des exigences envers la SA « La Sablière » n’auraient été et ne sont toujours pas possibles.
En conséquence, nous exigeons une table ronde pour donner une vie digne à ces sans abris qui ont été traités au mépris des lois de la République, dont les droits ont été sacrifiés au nom de différents intérêts. S’il est nécessaire de réaliser des logements sociaux en grand nombre, il n’est pas acceptable de le faire dans ces conditions.
Nous demandons que les poursuites soient diligentées, car ces pratiques ne sont pas tolérables et doivent impérativement être étouffées dans l’uf, et nous invitons les pouvoirs publics à plus de respect des droits légaux et humains des sans logis, notamment du droit à un logement décent, même si cela doit parfois ralentir de quelques semaines des opérations d’urbanisme à caractère social.
C’est le prix à payer pour ne pas tomber dans une société où des êtres humains seraient traités comme des citoyens à « droits restreints», ou « sans droit », piétinant la constitution française.
-* C’est pourquoi nous appelons à la création d’un comité de soutien, et à un rassemblement de solidarité et d’humanité :
-** Samedi 6 février à 17h00 devant le 25 rue de l’Échiquier M° Strasbourg St Denis.